(…) à une profondeur de cent cinquante à deux cents kilomètres, là où se forment les diamants, là où la plus grande obscurité donne naissance à la plus resplendissante lumière. À cette profondeur où en arrive Novalis, sans doute inspiré, entre autres, par l’enseignement du géologue Abraham Gottlob Werner à l’Académie des mines de Freiberg, pour écrire dans son Brouillon général : « Le corps organique est une synthèse de degré et de quantité — d’énergie et de figure. Chaque changement de degré est lié à un changement de figure. Le plus haut degré produit un accord supérieur — le plus bas, un accord inférieur. Le degré résulte d’une force interne modifiée. Une matière ne peut être saturée de force.»*
À partir de quoi, on peut reconnaître d’entre ces qualités que Novalis lie aux différents états de la matière — « changement de figure » et « changement de degré » — celles qui font du diamant la plus précieuse des pierres et en même temps expliquent ce qui le rapproche du charbon, son contraire, dès lors que l’un ne diffère de l’autre que par l’agencement de ses atomes, plus exactement par la compaction des atomes du diamant, ceux du charbon étant, à l’inverse, espacés. Tout comme à considérer l’histoire de la formation du diamant, ne pouvant apparaître à la surface de la terre qu’à la suite de phénomènes éruptifs dont l’extrême violence propulse les gemmes à la vitesse du son, on a envie de suivre Novalis en quête d’une force de cohérence, à même de révéler dans les mouvements et les formes de la matière le répondant analogique des mouvements et des formes de la pensée. Car enfin la fulgurance poétique, redevable comme le diamant aux immenses pressions du temps, ne semble-t-elle pas venir du plus profond d’une vie dont nous participons et qui nous était jusqu’alors restée insoupçonnée ? Et pour continuer dans le même sens, comment ne pas se souvenir du « point sublime » imaginé par André Breton où «le haut et le bas cessent d’être perçus contradictoirement », quand on apprend la découverte dans certaines météorites de minuscules diamants, montrant que ceux-ci se forment aussi dans les étoiles.
Annie Le Brun, Ailleurs et autrement, Une terre bourrée d’étoiles, Arcades, Gallimard, Édition électronique non pag. 2011, Éditions Gallimard / Édition papier ISBN : 9782070133499.
*Novalis, Le Brouillon général, traduit par Olivier Schefer, Allia, 2000.
Rouille et diamants – Diamonds and rust
Auteur, compositeur, interprète : Joan Baez
Dans ce chef d’œuvre de 1975, la grande prêtresse folk revisite des chansons de Bob Dylan, Stevie Wonder, des Allman Brothers, John Prine et de Jackson Browne. Entourée de grands musiciens venus plutôt du jazz comme Larry Carlton, Wilton Felder et Joe Sample, elle transforme ici en or tout ce que sa voix touche. Le résultat final dans son métissage musical est juste sublime.
Source QB