
Caspar David Friedrich – Moine dans la neige- 1808
La vieille dame de Torra n’est plus. Je marche dans le hameau abandonné de Ficaghjola comme dans un désert, sans mots. Il me faut retrouver des gestes anciens.
Initier une brève liturgie pour la lumière.
Il me faut lui écrire, lui donner quelques nouvelles d’ici.
Lui dire qu’au village, quand je me promène et que plane U filanciu au-dessus de ma tête, me vient une pensée pour elle.
Que nous ignorons les traces que nous laissons, et que sa présence me survole.
Lui faire cet aveu tardif : son amitié m’a prodigué un peu de foi, assez pour savoir qu’il est temps de réinventer la vie.
Écrire à la vieille dame ; dans une dernière lettre, lui dire qu’il a neigé à travers les toits.
Paghjella vuleria
Traditionnel
Interprète : Ensemble « Polyphonies corses »
Paghjella vuleria per l’omu ch’o tengu caru
Enterre mon cœur sur une île
enterre mon cœur
au pied de la montagne immergée
creuse une tombe dans le bleu
je n’ai pas besoin d’une grande place
– immense
ma tendresse est aussi légère que le ciel
enterre mon cœur à Ficaghjola
au milieu des ruines du soleil
elles sont le début et la fin de la vie
sur les vestiges d’une page blanche
choisis pour dernier chant
l’idéogramme de la lumière et du Libecciu
la polyphonie errante d’une Paghjella vuleria
tu sais je voudrais demeurer là
où je suis étrangère
enterre mon cœur
dans cette île où je ne suis pas née
sur cette terre que je ne connais pas
enterre mon cœur à Ficaghjola.
Sylvie-E. Saliceti, Paghjella vuleria, Pour Christian Saliceti, Barrettali, été 2015.
Brève liturgie pour Ficaghjola
& autres écrits insulaires
A Fior di Carta Avril 2019