[Paradis perdus] Stratis Pascalis
Et des soleils éternellement recommencés nous accomplissent
Georg Trakl, Le Paradis perdu

Claude Monet – Crépuscule – 1891
Hauts paysages de l’ascension, ciels penchés, mystère éclatant
le soir venant je vous ai vus à la jointure entre déclin et triomphe.
L’amertume du temps retombait, pénombre violette,
lorsque aux lointains de la terre une lumière vespérale parut,
un spectre de lumière plutôt, par-dessus la ligne des collines et des vignes,
lumière verte cuivrée, sans but, sans cause, de bon augure,
comme quand s’ouvre une porte et se déverse d’une pièce fermée
la lueur. Et moi qui regardais sans pensée, de voir soudain
mon voisin en larmes j’ai compris qu’il se passait là
quelque chose de profond, source d’une émotion mêlée
de peur, tandis qu’au loin
des troupeaux d’agneaux me rappelaient les carillons
d’une vérité naturelle pour toujours sacrifiée,
tandis que devant moi cloué dans les épines j’apercevais
cœur tout rouge la rose
participant à cette heure grave tête penchée tous ses pétales
ensemble ouverts…
Cohortes de Dieu, l’heure finit par venir où par-dessus
les tourments les épreuves
Un doux crépuscule efface le brouillard de notre vie ;
et à l’orée de la nuit, ouvre un passage, qui nous appelle
un instant
vers cela seul, vers cela seul que nous aurions bien fait de vivre.
Stratis Pascalis, In Les poètes de la Méditerranée, traduit du grec par Michel Volkovitch, Anthologie, Édition en français et dans toutes les langues originales, Préface d’Yves Bonnefoy, Édition d’Eglal Errera, Gallimard /Poésie, Culturesfrance, 2010, pp.92/93.
un passage, qui nous appelle un instant vers cela seul, vers cela seul que nous aurions bien fait de vivre
Phot. Sylvie-E. Saliceti 23 02 2020 Presqu’île de Giens
Paradis perdus
Auteur, compositeur : D. Bevilacqua
Interprète : Christine&The Queens