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[Tomber des nues]Nathalie Georges-Lambrichs

 

 

8 exemplaires sous étui numérotés de 1/8 à 8/8 et 8 ex E.A. accompagnés d’une tempéra de Claude-Luca Georges

 

 

 

Tomber des nues. Voici comment Ginette Michaux, dans la postface de l’ouvrage, restitue la polysémie de son titre : «Tomber des nues : c’est l’acte qu’opère aussi le mot poétique : il surprend, éveille, descelle la tombe d’une perte immémoriale. Les nues symbolisent la femme en Chine et dans les pays influencés par sa culture. Les nues retombent en pluie sur la terre, et l’expression chinoise “nuage-pluie” évoque les relations sexuelles, où l’homme et la femme rencontrent leur jouissance phantasmatique, exilée de celle de leur partenaire.» Polysémie disais-je, explorée jusque dans l’image allégorique des grues, oiseaux de la fidélité, de la longévité. Symboles de paix aussi, dont la tradition japonaise se fait l’écho, colportant une légende selon laquelle quiconque plie mille grues de papier voit son vœu s’exaucer. Serait-ce le prix du sacré : la grue d’origami d’Orient, éventuellement ici en Occident, se mue en insulte ? Qu’importe après tout. Elle va, enfuie dans le mouvement des oiseaux migrateurs. La grue glisse dans les airs, d’un vol comme une nage, fluide, au rythme des tempéras de Claude Luca-Georges. Au rythme encore de cette  chanson populaire arménienne célèbre, Krunk (La grue). La chanson, réécrite et harmonisée par Komitas, est évocatrice du sentiment d’exil, et de la nostalgie de la terre perdue. L’exilé aperçoit dans le ciel l’oiseau migrateur, auquel il demande des nouvelles de son pays et de sa famille.  Visuellement, le recueil de Nathalie Georges-Lambrichs transcrit l’espace de cette vacuité ; dans le choix de sa forme en effet, la poète insuffle une respiration jusque sur la page, ainsi décrite par G. Michaux : « Au-dessus de la page, un poème. En bas, un autre. Entre les deux, entre ciel et terre, le vide de la page, inaltérable : souffle du vide, énergie, par la grâce desquels lettres et images des haïkus scintillent souplement entre elles, s’enlacent, sans se ressembler. Et aussi, au fil des pages, rature, ratage de l’insaisissable, qui rebondissent en « libres reprises » inachevées, pour toucher par un autre bord l’obscur sans nom que le mot passionnément désire serrer.» Libres reprises des Grues cendrées, ces oiseaux qui migrent sur près de 3000 kilomètres de distance, traversant d’un continent à l’autre,  depuis l’hiver d’Afrique vers l’Europe méridionale. Les Grues crient pendant leur vol, un chant, un grou sonore, un cri si puissant qu’il se perçoit jusqu’à cinq kilomètres. Témoin le chant enregistré et reproduit ci-dessous par Jean-Claude Roché, ornithologue et bioacousticien passionné qui a enregistré 396 chants d’oiseaux d’Europe. Les Grues cendrées passent. Leur vol migrateur s’entend au loin comme une foule.

Sylvie-E. Saliceti

 

 

https://sylviesaliceti.com/wp-content/uploads/2021/03/2_23_Fremeaux-Nature_Grue-Cendree_10.mp3?_=1

Chant de la Grue cendrée
Tous les oiseaux d’Europe
Jean Claude- Roché — Frémeaux — 396 chants
Grand Prix de l’Académie Charles Cros

 

 

Le sanglot des grues
Crible à verse le toit de
Notre parapluie

Tu ouvres les yeux
Des dieux dansent sur les bords
Des tombeaux enfouis

Gorgées de pluie
Les grues s’abattent couvant
Le jour sous leurs ailes

Foulant les semis
Furtifs ils se replient
Sous la nuit noire

Nathalie Georges-Lambrichs, Tomber des nues, Postface de Ginette Michaux, Tempéras de Claude-Luca Georges, Éditions du Canoë, 2021, pp.11&29.


ÉDITIONS DU CANOË

 

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