
Fabienne Verdier -Marche bleue ( l’oeil écoute)-2015
Almost Blue
Chet Baker
En Chine, après être passée par la mort, Fabienne est née une seconde fois. Et cette naissance, en l’ouvrant au grand large, a fait d’elle une artiste apte à œuvrer dans la grande dimension. L’être qui a eu à vivre la mort à soi-même a été dépouillé des illusions, des prétentions, des simagrées du moi et a atteint une certaine impersonnalité. Il est simple, modeste, il aime le silence, le retrait, se tient au contact de ses ressources et à l’écoute de sa nécessité. Après s’être éprouvé, il ne craint plus de s’abandonner au non-vouloir, de s’immerger dans la tiédeur de la source. Se lover au plus intime de soi est même ce qui est recherché. En peignant, c’est aussi très exactement ce que recherche Fabienne. Être un – soit n’être plus divisé, ne plus souffrir de la dualité – est une jouissance extrême. Qui a connu cette jouissance ne cesse plus de vouloir la connaître à nouveau. Toutes limites abolies, reployé en son centre mais ouvert au monde, l’être se trouve projeté hors du temps, et la vie qui soudain surabonde le submerge d’un amour sans raison.
Charles Juliet, Entretien avec Fabienne Verdier, Éditions Albin Michel, 2007