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[Légende Himba] Dominique Sampiero

Prince Taiwo Olaniyi Oyewale– Lui et elle- bébé en bleu – 2010.

Au pays des Gazanias
là où chaque année un désert se change
en immense jardin de fleurs
quand une femme décide d’avoir un enfant
elle s’allonge pour se reposer
à l’ombre d’un Acacia Erioloba,
et rêve du poème de l’enfant qui veut naître.

 

Entre midi et minuit
à l’angle où le soleil décline vers sa mort
elle déclame trois fois son texte
à voix haute
aux fleurs, aux branches
et aux racines immenses de l’arbre
jusqu’à éclosion d’une gousse blanche
en forme d’oreille

 

Après avoir cueilli cette bogue
appris par cœur et mémorisé
toutes les métaphores de l’enfant qui va naître
elle rencontre l’homme qui sera le père
pour partager avec lui l’écale
et lui enseigner le poème

 

Ils font l’amour,
ils se caressent et se murmurent à l’oreille
le poème de l’enfant qui va naître
afin de l’inviter
et leurs corps ne font qu’un

 

Le père et la mère boivent ensemble
et dans un même baiser
l’eau de la gousse blanche en forme d’oreille

 

Lorsque la mère est enceinte
elle enseigne le poème de l’enfant qui va naître
aux sages-femmes
et aux femmes aînées du village

 

À la sortie de l’enfant des eaux de sa mère
les vieilles femmes et les témoins autour de lui
récitent son poème
pour l’accueillir.

 

Au fur et à mesure que l’enfant grandit
les autres villageois apprennent le poème ;
Que l’enfant tombe ou se fasse mal,
il se trouve toujours quelqu’un
pour le relever et lui réciter ;

 

De même,
si l’enfant fait quelque chose de merveilleux
ou traverse avec succès les frontières de son pays
les gens du village lui psalmodient
en frappant des mains pour l’encourager ;

 

Dans le mariage,
les poèmes sont scandés à l’unisson
par les invités et les futurs mariés ;
Il y a une autre occasion
où les villageois prononcent pour l’enfant :
Si, à n’importe quel moment de sa vie
la personne commet un crime ou un acte social aberrant
l’individu est appelé au centre du désert
et les gens de la communauté
se rassemblent en cercle autour de lui
Puis ils formulent son poème jusqu’au vertige
ouvrant ainsi l’autre porte de la vraie conscience

Ainsi va le verbe.

 

Lorsque vous connaissez
votre propre poème,
vous n’avez pas envie
ou besoin de faire quoi que ce soit
qui nuirait à l’autre ou à votre propre conscience-

 

Devenu vieux,
l’enfant se couche une dernière fois dans son lit
tous les villageois connaissent son poème
et lui profèrent les uns après les autres
serrant affectueusement la main du mourant à l’agonie pour le rassurer
Jusqu’à ce qu’il ouvre les yeux à l’éternité

 

Un jour, comme lui,
nous irons très loin perdre tout ce que nous sommes, sans aucune peur.
Le poème aura raison de nous.
De notre amour aussi.
Nous serons ici.

 

Dominique Sampiero, inspiré d’une pratique des Himbas de Namibie en Afrique australe.

 

https://sylviesaliceti.com/wp-content/uploads/2023/10/11-Namib-1.mp3?_=1

M. Gerber
Tales of the wind – Namibie – Himbas

 

           Femme Namibie Himba

 

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