Joachim Patinir – Paysage avec Saint Jérôme – Musée du Prado – 1515-19
Chalcis ( extraits)
Pour méditer
quoi de plus précieux
que la solitude ?
Mais Chalcis
pourquoi Chalcis ?
N’y avait-il pas
dans la campagne romaine
quelque refuge
à l’écart du monde
quelque forêt sauvage
éloignée de l’agitation ordinaire ?
quelque piton inaccessible
au pied duquel se tenir à l’abri
des divertissements
qui s’offrent à chacun
au cours d’une vie ?
Imagine la route de Jérôme
celle qu’il a dû faire
entre Rome et Chalcis !
[…]
La peinture de Patinir
est
écriture du territoire.
Renoncer au désert ?
le peintre n’y songe pas
le désert rêvé
se fond en des paysages
visionnaires
nimbés de bleu
chameaux et lion se devinent
dans la lumière
vespérale
les hôtes du désert
peuplent la campagne de Dinant
démarche ample
silhouettes souples
et discrètes
Ainsi
le peintre abolit-il
les frontières
frontières du temps
frontières des pays
Vision à vol d’oiseau
ne prolonge-t-elle pas à l’infini
ce que l’oeil
ne peut percevoir ?
de même l’imagination
qui rend l’irréel
plus vivant que ce qui est.
Patinir efface
dans son paysage
les frontières du temps
qui n’ont de cesse
que de diviser les hommes
Avec lui
(comme bien des années plus tard
dans le poème
d’Ingeborg Bachmann)
La Bohême est au bord de la mer.
Angèle Paoli, Le dernier rêve de Patinir, Éditions Henry, Collection La main aux Poètes, 2022, pp. 15 à 17 et 23 à 25.