Les grenades courbant les verts
branchages
Apparaissaient comme des flammes
Jaillissant des bras de l’arbre.
Saadi
Maître du zarb. Non, Keyvan Chemirani n’est pas un prince de l’étrange, mais l’un des plus réputés joueurs de cet instrument de percussion originaire d’Iran baptisé zarb. Chez les Chemirani, on est zarbiste de père en fils. Mais pour Keyvan, la musique ne se limite guère à la tradition certes qu’il chérit et magnifie au fil de ses projets. Logiquement, elle est aussi, et peut-être avant tout, synonyme de partage. Partage dans le temps et l’espace. Ainsi, Keyvan Chemirani, seul ou au sein du Chemirani Trio, avance sur les terres de la musique persane ou grecque, du jazz ou du slam, de la musique contemporaine ou improvisée et de tant d’autres textures sonores… Avec Azaz, il embarque avec lui sa sœur Maryam ainsi qu’Annie Ebrel dont la langue bretonne vient s’immiscer dans l’univers de la poésie soufi. Ainsi, Avaz unit les mystiques persans des XIIe et XIIIe siècles (Hafez, Rûmî, Khayyâm, etc.) au répertoire traditionnel breton des gwerzioù. L’amour y est chanté alternativement, entre complaintes méditatives et envolées lyriques, par les deux femmes, tour à tour en perse puis en breton. Puis dans une autre langue encore, inventée par l’union des deux voix ! Qu’il soit perçu comme une image du divin, une parabole, ou comme vecteur de grandes épopées, ou encore bel et bien terrestre, l’amour n’a eu de cesse d’être célébré, comme une ode à la vie, confrontant la mort. Pilotant avec génie ses percussions, Keyvan Chemirani et ses complices Hamid Khabbazi (târ) et Sylvain Barou (flûtes) mènent la danse sur des rythmes croisés et développent leur propre narration. Ils forment un écrin subtil pour mélanger et accentuer les caractères propres aux deux répertoires, mêlant morceaux traditionnels et compositions originales. Osé, inspirant et beau.
Keyvan Chemirani, Avaz, Musiques du monde, Livret accompagnant le CD.
Chabi Dar Granada
Auteur : Saadi
Compositeur, interprète : Keyvan Chemirani
Conte 19
Mon vénéré mentor Sheikh Abu al Faraj Shamsuddin bin Jauzi – la paix du Seigneur soit avec lui – avait l’habitude de me conseiller d’abandonner mon penchant pour la chanson et de m’adonner à la contemplation dans la solitude. J’étais dans la pleine force de ma jeunesse, et en proie au désir sensuel, et malgré moi, je suivis un chemin contraire à celui que m’indiquait mon maître ; je me plaisais à entendre de la musique et des chansons en compagnie des derviches. Lorsque je me rappelais les conseils du Sheikh, je me disais
Le Qazi lui-même, s’il était ici
Battrait des mains au rythme de la
musique.
Fût-il le plus sévère
en ce qui concerne le vin,
Il excuserait même ceux qui sont
intoxiqués.
Saadi, Le Jardin de roses (Gulistan), Traduction de Omar Ali Shah, Spiritualités Vivantes, Albin Michel, 2008, Ed. numérique, Livre II, p.18.