
René Magritte- La promesse salutaire-1927
JE ME PROMETS
Je me promets d’éblouissants solstices
qu’ils soient d’été, d’hiver,
de fières saisons sans attache ;
je me promets un récital au bord à bord
des nuages de Magellan,
avec un bis dans les marges du ciel ;
je me promets de danser
en actes et en pensées
à Venise, Trieste et Sils Maria ;
je me promets de ne pas lire
L’Homme sans qualités de Musil
qui m’est toujours tombé des mains ;
je me promets de rallier d’un trait
le Spiti au Ladakh
en passant par le Tso Moriri ;
je me promets une escale à Tavira,
où débusquer coûte que coûte
la maison d’Álvaro de Campos ;
je me promets de relancer la mécanique
de la Brough Superior SS 100 de Lawrence
sur les pistes de la Terre de Feu ;
je me promets d’apprendre assez d’espagnol
pour traduire García Lorca
selon le métronome de mon cœur ;
je me promets de vocaliser
plus que ma voix,
diaphragme descendu au plus bas ;
je me promets de dérouter un navire
au large de Tanger,
et de remonter le Guadalquivir
jusqu’à la Maestranza de Séville…
André Velter, Séduire l’univers précédé de À contre-peur, avec sept tracés sonores de Jean Schwarz et quatre ciels Marie-Dominique Kessler, Éditions Gallimard, 2021, pp.74 à 76.