Benjamin Fondane ( 1898-1944)
Et si les océans m’appelaient, pianos de ténèbres,
si, dans le foie du monde, les sources étaient fraîches
s’il y avait des peaux de femme oubliées aux Amériques,
dans des mains pleines de serments, branches éternellement tendues.
Et si des mots dits à temps, à heures fixes,
réveillaient un sang endormi sous les écorces
et déchaînaient une tempête de diamants fixes
sur les chevaux de l’apocalypse, enfourchés par des voïvodes.
(…)
Je voudrais que le mot se dépouille dans les entonnoirs,
me dévêtir de moi-même comme le poisson de ses écailles,
m’en aller de par le monde sur les sentiers de la main,
quand l’âme dans la chair se tresse des nattes.
Benjamin Fondane, Paysages, Poèmes ( 1917-1923) traduits du roumain par Odile Serre, Préface par Mircea Martin, Avant-propos par Monique Jutrin, Éditions Le Temps qu’il fait, 2019, pp.30/31.