Le feu brûle ; c’est la première loi.
Quand le vent l’attise, ses flammes
s’étendent alentour. La parole
attise les flammes. Tout a été combiné
pour qu’écrire vous
consume, et pas seulement de l’intérieur.
En soi, écrire n’est rien ; se mettre
en condition d’écrire (c’est là
qu’on est possédé) équivaut à résoudre 90%
du problème : par la séduction
ou à la force des bras. L’écriture
devrait nous délivrer, nous
délivrer de ce qui, tandis
que nous progressons, devient — un feu,
un feu destructeur. Car l’écriture
vous agresse aussi, et il faut
trouver le moyen de la neutraliser — si possible
à la racine. C’est pourquoi,
pour écrire, faut-il avant tout (à 90%)
vivre.
William Carlos Williams, Paterson, Traduction d’Yves di Manno, Collection Poésie américaine, Éditions José Corti, 2005, Livre III, p.123.