Le poème d’aujourd’hui est écrit par Sohrâb Sepehri, l’un des plus grands poètes persans contemporains. Je le relie ( et le relis) à la disparition de la jeune femme iranienne, Mahsa Amini, morte le 16 septembre 2022 à Téhéran, sous les coups de la police parce que son voile était mal positionné sur son visage. Gasht-e Ershad, la police des moeurs, a été créée en Iran en 1979, année de la Révolution islamique, avec pour objectif premier d’assurer l’application de la loi rendant le port du voile obligatoire pour les femmes.
En regard du texte magnifique de Sohrâb Sepehri qui, ni plus ni moins, décrit l’aspiration poétique, écoutez comment une autre jeune femme iranienne, il y a quelques jours se risquait sur les réseaux sociaux, tête découverte, cheveux lâchés, pour entonner la chanson partisane Bella Ciao, en version iranienne, qu’elle dédicace à la mémoire de Mahsa Amini. L’enregistrement a beau être bricolé, sa voix véhicule une intense émotion, que ne dément pas le texte : De ta voix, notre voix, on se réveille du sommeil (…)
Rien ne devrait obscurcir la beauté du monde. Je sais bien que c’est là l’illusion d’une insensée, mais je la porte ce matin vers vous, afin qu’ensemble nous gardions la beauté pour seule inquiétude.
Sylvie-E. Saliceti
Iran Darroudi ( professeur d’histoire de l’art, écrivain, peintre iranienne) – Échappée – 1978
Bella Ciao- Version iranienne pour Mahsa Amini
Bella Ciao ( autre version iranienne, professionnelle)
Interprètes : Behin And Samin Bolouri
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Un jour
Je viendrai, et j’apporterai un message.
Dans les veines, je verserai de la lumière,
Et je crierai : holà, vos paniers pleins de sommeil ! Voici la pomme, la pomme rouge du soleil !
Je viendrai, je donnerai du jasmin au mendiant.
La belle lépreuse, je lui offrirai d’autres pendeloques.
À l’aveugle, je dirai : quel spectacle le jardin !
Je me ferai camelot, je parcourrai les rues, je claironnerai : ohé rosée, rosée, rosée !
Un passant dira : en vérité, c’est une nuit obscure. Je lui donnerai une galaxie.
Sur le pont, une fillette sans jambes : j’accrocherai la Grande Ourse à son cou.
Chaque insulte, je l’écarterai des lèvres,
Chaque mur, je l’arracherai.
Aux brigands, je dirai : une caravane arrive, chargée de sourires !
Je déchirerai le nuage.
Je nouerai les yeux au soleil, les cœurs à l’amour, les reflets à l’eau, les branches au vent.
J’attacherai le sommeil de l’enfant au crissement des cigales.
Les cerfs-volants, je les lâcherai dans l’air.
Les pots de fleurs, je les arroserai.
Je viendrai au-devant des chevaux, des vaches, je verserai l’herbe verte des caresses.
La jument assoiffée, je lui apporterai un seau de rosée.
L’âne rabougri sur le chemin, je chasserai ses mouches.
Je viendrai sur chaque mur, j’y planterai un œillet.
Au pied de chaque fenêtre je dirai un poème.
À chaque corbeau j’offrirai la branche d’un pin.
Au serpent, je dirai : quelle splendeur la grenouille !
Je réconcilierai.
Je rapprocherai.
Je marcherai.
Je boirai la lumière.
J’aimerai.
Sohrâb Sepehri, Volume Vert, Traduit du perse par Tayebeh Hashemi et Jean-Restom Nasser, Dessins de l’auteur, L’arbre éditions, 2008.
Merci…j’ai découvert votre blog il y a quelques mois et suis émue quand je vois dans ma boité un mail de vous. De découverte en découverte je vous “suis” avec bonheur…belle journée
Merci chère Martine, l’émotion est partagée ! Bienvenue à vous,
Sylvie S.
Sans voile et voix avec l ‘union , je te relie au partage d amitié , de fraternité et de la solidarité pour vivre ensemble
Merci à vous. Et bienvenue !
Sylvie-E.Saliceti