
Joshua Reynolds-Les archers – 1769
Ode continue …
Combien ces mots sont fiers dans les ornementations de nos voix qui les chantent. C’est une ballade intemporelle de troubadours, oda continua, une ode finement tissée. L’Aude, tracée par les mains rugueuses, dévale du Carlit à la mer avec son chargement de boue les jours pluvieux de mai. Venus d’Andalousie et du Frioul, c’est ici qu’ils se sont arrêtés dans leur exil, entre mer et Montagne Noire. Nos grands parents avaient pour tout bagage leur langue, furlano de Pier Paolo et andaluz de Federico, qu’ils ont appris à mêler à l’occitan et au français. Jeux de miroir dans ces journées d’hiver, du soleil blanc des matinées de neige à la chambre obscure de Joë, nous chantons des cansos pour eux en lançant leurs mots contre le cers sauvage. Il ne trahit pas les souvenirs ce vent qui sculpte les grès ocres des murs anciens. Il y a des Jean Vialade qui nous invitent à rester debout. Dans les nuages qui rasent les cimes de la Corbière, les coteaux du Minervois, les senhadous du Lauragais cathare, sur les pierres de mémoire, aux combes du hasard, j’écoute encore et encore ce vent qui courbe la pointe des cyprés. Dans ce pays d’art et d’histoire où je suis né il y a mille ans, la voix de René Nelli me récite : “ Prends l’arc par le ciel et vise en toi-même …”
Gérard Zuchetto
I
II
Alibi suivi de Tarentelle ( Tarentelle à écouter à la suite d’Alibi)
Auteur : Elsa Morante
Compositeur : Gérard Zuchetto
Interprètes : Sandra Hurtado- Ròs et Gérard Zuchetto
Dormi.
La notte che all’infanzia ci riporta
e come belva difende i suoi diletti
dalle offese del giorno, distende su noi
la sua tenda istoriata.
I tuoi colori, o fanciullesco mattino,
tu ripiegasti.
Nella funerea dimora, anche di te mi scordo.
Il tuo cuore che batte è tutto il tempo.
Tu sei la notte nera.
Il tuo corpo materno è il mio riposo.
(1955)
◊
Dors.
La nuit qui à l’enfance nous ramène
et comme un fauve défend ses bien-aimés
des offenses du jour, étend sur nous
son drap historié.
Tu as replié, ô puéril matin,
tes couleurs.
Dans la demeure funèbre, j’en oublie jusqu’à toi.
Ton cœur qui bat est tout le temps.
Tu es la nuit noire.
Ton corps maternel est mon repos.
Elsa Morante, in Alibi, Traduit de l’italien par Silvia Guzzi, Einaudi, 2012, pp. 49-52.