Le lavis, tel que l’invente Zao Wou-Ki, au croisement de l’Occident et de l’Orient, tel, non par mouvement d’apport mais de retour, tel, par retournement de l’espace et retour amont du temps, ce lavis est le contraire de l’arabesque, forme la plus mentale qu’on ait conçue ici, le contraire de cette ligne qui, par un simple tour dans l’espace et sa boucle met un dehors dedans et fait du vide un plein, et cependant par rides, ondulations, nuages, Zao Wou-Ki pareillement suscite une mentalité dans le papier, sauf qu’en lâchant dans l’encre l’invisible présence de l’eau, il coule en plus dans la surface la limpidité d’une méditation qui fait circuler entre les éléments, mais d’abord entre le geste et sa trace, la précipitation du nombre vers l’unité…
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En Occident, dit Wou-Ki, on dessine. L’art commence par le dessin. En Chine, on apprend à écrire au pinceau. Tout sort de l’écriture par la calligraphie : la pensée comme l’art, la beauté dans la vue comme la beauté dans le comportement …
Bernard Noël, Les Yeux dans la couleur, P.O.L., 2004, pp.196&S.