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[Lettre de R. Johnson aux négriers] Sylvie-E. Saliceti

 

William H. Johnson – Les ramasseurs de coton-1940 ( W. H. Johnson, peintre afro-américain exceptionnel, libre, fut en outre le valet personnel, employé du président A. Lincoln).

Parution aux Éditions du Réalgar, de cette lettre ouverte de R. Johnson aux négriers, où l’un des plus marquants représentants du Delta blues donne à plonger dans la mémoire réelle, jusqu’aux racines de la légende.  Chanteur et guitariste de blues exceptionnel et tourmenté, R. Johnson a laissé un héritage essentiel, fondateur de toute la musique afro-américaine et du blues. Il fut un maître notamment pour Clapton et Dylan. Mort à l’âge de 27 ans dans des conditions énigmatiques (l’hypothèse dominante le présumant empoisonné par un mari jaloux), il a écrit l’essentiel de son œuvre ( 30 morceaux dont le trentième a été perdu) en deux temps de fulgurance créative, qui ont accouché de chefs-d’œuvre, notamment Me and the Devil. Johnson prétendait tirer sa virtuosité d’un pacte avec le diable…Puisque la légende, étymologiquement, désigne ce qui doit être dit, cette adresse posthume prend pour cadre le mystère de la vie du grand bluesman, dont l’histoire individuelle s’avère assez chargée de puissance symbolique pour porter l’histoire collective de la négritude en ce début du vingtième siècle, en  Amérique.

Sylvie-E. Saliceti

Je ne sais plus qui vous parle, Robert Johnson ou la poussière ? Le blues ténébreux, ou le jour dardé encore d’étoiles ? Je ne sais plus qui écrit à l’instant de ces lignes ? Moi, ou ce passant inconnu ? Me voilà en même temps celui qui vous parle et un autre. Qui sait, peut-être suis-je une part de vous ? Je suis hors du temps. Vainqueur et vaincu. Poète, tyran. Plein d’allégresse, et de chaînes au front de l’esclave. Mon fleuve est si vieux qu’à lui seul il comprend le bien et le mal. Ils disent que je joue la musique du démon, le Hoodoo est dans ma voix, le soleil a la couleur de ma peau, je chante ici où le noir est lumière.

Chers négriers, cette lettre est le signe d’une étrange alliance entre vous et moi, celle d’un coup de poing achevé en caresse. Pour avoir donné naissance au blues, je suis ce que vous n’aurez pas réussi à faire de moi.

Je suis le Nègre qui parle de l’or.

Sylvie-E. Saliceti, Lettre de R. Johnson aux négriers (Le Nègre parle de l’or) , Éditions du Réalgar, 2021, p.5.

 

 


Sylvie-E. Saliceti
Le Nègre parle de l’or
Éditions du Réalgar
Pour commander

 

Me And The Devil Blues
Cross Road Blues (Remastered)
Robert Johnson

 

 

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