
Toshi Yoshida – Colibris et fuschia -1971
Comme un colibri
je vole dans tous les sens
sans répit
portée par le souffle
de nouveaux chants
si une langue il me faut choisir
sans demeure je suis.
*
Aux prémices de l’aube
la foi assourdissante des oiseaux
en l’avenir le prouve
voler sous terre
et creuser les cieux
sans boussole est possible
même sans ailes
sans eux
tant qu’il y aura des fleurs.
Sabine Huynh, Les colibris à reculons , Craies noires de Christine Delbecq , Éditions Voix d’Encre, 2013 , pp. 44 et 46.
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Colibri
Auteur, compositeur, interprète, guitare et piano : Ferran Savall
« Mireu el nostre mar » est un projet où se côtoient ses propres musiques, des oeuvres d’auteurs sud-américains et des chansons traditionnelles. Malgré la grande beauté et l’émotion qui se dégagent des mélodies catalanes anciennes, beaucoup d’entre elles sont restées ancrées dans un passé nostalgique et ont perdu le lien avec les nouvelles générations. C’est pourquoi, afin de les faire redécouvrir, Ferran Savall a voulu les imprégner de l’influence musicale et multiculturelle que nous recevons de notre temps.
La musique de ces chansons et des autres pièces de l’album est baignée de spontanéité, d’improvisation et démontre une volonté de faire de la musique sur peu de paroles, sur des sons, imitant des langues sans mots, en jouant sur les couleurs et les sonorités de la voix.
Pourvu d’une solide formation musicale qui lui permet d’accompagner ses parents, Montserrat Figueras et Jordi Savall, dans le répertoire ancien et baroque le plus exigeant, Ferran Savall a su développer un univers très personnel. Il nous propose aujourd’hui son premier album.
« L’état émotionnel dans lequel on se trouve détermine tout ce qu’on fait dans la vie, particulièrement en musique » avance ce jeune homme né en 1979 à Bâle des amours de deux des plus grands musiciens catalans actuels, grands spécialistes des musiques anciennes, le violiste Jordi Savall et la soprano Montserrat Figueras. Bien sûr, son apprentissage à commencé tôt et sous les meilleurs auspices, Ferran assumant parfaitement être, aussi, un disciple de ses parents. « Sans aucun doute ont-ils conditionné mon apprentissage mais ils m’ont toujours laissé libre. Je n’ai jamais vécu la musique comme une obligation, ce qui a permis qu’elle surgisse sans pression. La musique ancienne a été mon biberon mais il a bien fallu que je m’alimente par la suite avec d’autres musiques ! » Fort de ses expériences personnelles avec différents mentors (Xavier Coll à l’école Luthier pour la guitare, Rolf Lislevand et Xavier Díaz-Latorre pour les instruments anciens, Dolors Aldea et Petter Johansen pour le chant.), Ferran Savall n’en revendique pas moins une approche autodidacte dans sa recherche de la voix naturelle.
Une autonomie qui l’incite, depuis 2001, à se produire aussi bien dans les clubs de jazz de Barcelone qu’avec l’ensemble ZonAzul, combo mixant funk et flamenco fusion. Il a aussi chanté avec Bobby McFerrin, et joué dans le monde entier avec ses parents, lesquels l’avaient aussi invité sur les albums Du temps et de l’instant (avec sa mère et sa soeur Arianna, soprano et harpiste) et Lachrimae Caravaggio, libres variations autour du maître du clair-obscur.
La douceur ? Sans doute l’un des plus beaux atouts de sa musique. De même, Ferran Savall invoque d’abord l’instinct et la simplicité, lorsqu’on l’interroge sur ses choix d’arrangements. « Je me laisse conduire par l’intuition et la spontanéité. J’essaie d’aborder le processus de création en me posant le moins de questions. Je me laisse conduire par la musique. D’instinct, toutes les influences musicales que je peux avoir surgissent, se mélangent à la chanson. »
Si Mireu el nostre mar contient surtout des chants inspirés du folklore catalan, il porte déjà les marques de cette grande ouverture avec un traditionnel hébraïque (Numi Numi), une habanera (La perla), une création sublime et planante (Hora Grave, sur un poème de Rainer Maria Rilke) et une improvisation aussi libre que cosmopolite dans ses influences (Paris). A l’avenir, on peut parier que Ferran Savall poursuivra dans cette veine en mêlant son amour de la langue catalane à des voyages au long cours, réconciliant l’ancien et le contemporain au sein d’une seule et même musique : celle d’un artiste d’une fraîcheur et d’une maturité musicales étourdissantes. « Il est probable, conclut-il, que le prochain CD aura une continuité de valeurs et de sonorités avec Mireu el nostre mar. Mais je ne sais pas, le futur est une surprise, il est toujours en mouvement. »
Livret accompagnant le disque.