Merci à E.F. pour la découverte de ces «Pensées pour moi-même» (titre ici traduit «Pensées pour soi») de Marc Aurèle. Sommes-nous autre chose que les passeurs d’une très vieille mémoire, toujours à faire renaître de ses cendres ? Avec joie, c’est à mon tour de faire passer !
Marc Aurèle donc – empereur romain, mais écrivant en langue grecque – commençait chaque journée en écrivant ses méditations. Dès les premières pages, son texte-journal se reconnaît comme l’une parmi les nourritures qui alimentent, de tout temps, en tous lieux, le voyageur en chemin. Marc Aurèle se parle à lui-même, sans fard, cherchant sa profondeur, l’explorant, assumant à ses heures de se découvrir incertain, démuni devant ce qu’il trouve. En tâtonnant, il s’adresse à la part la plus vraie au fond de lui, et pour cette raison, il s’adresse à chacun. Destin puissant d’un empereur demeuré un homme – c’est-à-dire ne quittant jamais la voie d’une recherche intérieure – il aborda sa vie spirituelle avec une humilité telle qu’il choisit de faire siens les enseignements notamment de l’ancien esclave Épictète. Voilà un fait à lui seul qui mérite attention. Car enfin ce n’est pas seulement un destin singulier, c’est un phare qui appelle chacun d’entre nous, même deux millénaires plus tard, avec cette question qui prend valeur de méditation : quelles qualités précises un empereur est-il amené à déployer pour ainsi se placer en disciple d’un esclave ? En dehors des circonstances extraordinaires qui furent celles de Marc Aurèle, comment acquérir nous aussi ces mêmes qualités ?
Sylvie-E. Saliceti
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(1) Lorsque tu es affligé pour une raison extérieure à toi, ce n’est pas la chose même qui te pèse, mais ton jugement sur elle ;
(2) or il ne dépend que de toi d’effacer de suite ce jugement.
(3) Et si c’est quelque chose dans ta disposition personnelle qui t’afflige, qui t’empêche de corriger ton opinion ? À supposer même que tu sois affligé de ne pas faire ce qui te semble correct, pourquoi ne pas agir plutôt que t’affliger ?
(4) – Mais quelque chose de plus fort que moi m’en empêche ! – Ne t’afflige pas dans ce cas, car tu n’as pas la responsabilité de l’inaction. […]
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(1) Souviens-toi que le principe directeur se montre invincible chaque fois que, concentré sur lui-même, il est satisfait de ne rien faire qu’il ne veuille, même si c’est par obstination et de façon non rationnelle –
(2) à plus forte raison lorsqu’il forme un jugement sur quelque chose après un examen rationnel.
(3) Pour cette raison, l’intelligence qui est libre de passions est comme une citadelle ; pour l’homme, il n’est pas de meilleure forteresse où il puisse se réfugier et rester à jamais hors de portée.
(4) Celui qui n’a pas vu cela n’a rien compris et malheureux celui qui l’a vu sans s’y réfugier.
Marc Aurèle, Pensées pour soi, Traduction, présentation, notes, bibliographie et index par Catherine Dalimier, Éditions GF Flammarion, Format numérique, 2018, Emplacement 2126 /4355.
Voilà donc deux raisons pour aimer tout ce qui t’arrive
Auteur : Marc Aurèle
Lecteur : Jacques Gamblin