Tu écris ce que tu vois et ce que tu écoutes avec de toutes petites lettres serrées, serrées comme des fourmis, et qui vont de ton coeur à ta droite d’honneur.
Les Arabes, eux, ont des lettres qui se couchent, se mettent à genoux et se dressent toutes droites, pareilles à des lances : c’est une écriture qui s’enroule et se déplie comme le mirage, qui est savante comme le temps et fière comme le combat.
Et leur écriture part de leur droite d’honneur pour arriver à leur gauche, parce que tout finit là : au coeur.
Notre écriture à nous, en Ahaggar, est une écriture de nomades parce qu’elle est toute en bâtons qui sont les jambes de tous les troupeaux. Jambes d’hommes, jambes de méhara, de zébus, de gazelles, tout ce qui parcourt le désert.
Et puis les croix disent si tu vas à droite ou à gauche, et les points, tu vois, il y a beaucoup de points. Ce sont les étoiles pour nous conduire la nuit, parce que nous, les Sahariens, nous ne connaissons que la route, la route qui a pour guide, tour à tour, le soleil puis les étoiles.
Et nous partons de notre coeur, et nous tournons autour de lui en cercles de plus en plus grands, pour enlacer les autres coeurs dans un cercle de vie, comme l’horizon autour de ton troupeau et de toi-même.
Dassine Oult Yemma, musicienne et poétesse targuie du début du XXème siècle, citée par Kamel Daoud, Zabor ou Les Psaumes, Actes Sud, 2017, p.9.