
James Whistler-Red and gold Salute sunset- 1880
La chanson d’auteur jazzifiée par Mélanie Dahan & Giovanni Mirabassi Trio
Avant Mélanie Dahan, on a prétendu que la langue française ne permettait pas — ou si difficilement — le phrasé jazz, le balancement swingué. Écoutez Mélanie Dahan — simplement, écoutez un texte d’auteur de Bernard Dimey mis en jazz par M. Dahan et Giovanni Mirabassi Trio – excusez du peu ! L’ensemble accompagne le barbu des herbes de la Sorgue, vivifiant sa ballade de vieux gisant dans sa barque ; le chansonnier de Montmartre et des fleurs qui n’existent plus remonte le fleuve de la Vallée des Rois, tel un pharaon serrant dans son poing le caillou des Enfants de Louxor.
Dimey – le premier poète urbain – est ce voyageur qui n’aura eu de cesse d’explorer le fleuve qui mène du pavé chansonnier vers l’Orient symbolique du texte, comprenez la source (notamment sonore) de la poésie de langue française. Quant à Mélanie Dahan, elle est une des valeurs les plus sûres sur la scène contemporaine de la chanson d’auteur française mise en musique, à même de chanter y compris la poésie entendue au sens le plus strict du terme (Andrée Chedid, Tahar Bel Jelloun, C. Fauln …). Si l’on ne répètera jamais assez qu’il demeure essentiel de distinguer les deux registres ( cantologique et poétique), le passage de l’un à l’autre avec cette artiste s’opère avec un naturel confondant. Il y a le plaisir, la sensualité, la fluidité du chant. L’alchimie est parfaite. On atteint avec cette interprète des profondeurs qui touchent à la poésie elle-même. Qu’aurait pensé « l’ogre chaleureux », sur sa Butte Montmartre ? Dimey peut-être aurait évoqué l’encre de minuit et les couleurs de zinc. Nul doute – lui qui se demandait pourquoi il vivait «avec des nains»–, qu’il aurait admis entendre une voix haute, à même de réveiller les grands soleils éteints.
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Absolu sens du rythme, épaulé par des rimes ciselées (Brel, Ferré, Dimey, Brassens, Trenet, etc. ), indifféremment signées par des auteurs paroliers ou des poètes, textes de chansonnier ou même de poésie pure : la vocaliste est innovante en ce qu’elle jazzifie le répertoire classique de la « chanson à texte », au sens le plus large de l’acception de ce terme. La Rive Gauche s’en trouve régénérée d’autant que Mélanie Dahan sait s’entourer : rien moins que le pianiste Giovanni Mirabassi ( Album La Princesse et les Croque-Notes en 2008), puis Marc-Michel Le Bévillon (contrebasse), Pierrick Pédron (saxophone), Olivier Ker Ourio (harmonica) et Matthieu Chazarenc (batterie).
Mélanie Dahan, dès l’âge de onze ans, monte sur scène, chante Ella Fitzgerald et Nat King Cole. Le premier quartet est formé en 2001. S’ensuit une tournée dans les clubs parisiens. Trêve d’études sur les bancs des écoles de commerce, elle suit les cours au Studio des Variétés, à l’Académie Bill Evans puis dans diverses écoles de jazz. Les récompenses s’enchaînent : finaliste au Concours du festival de Juan-les-Pins en 2005, Prix « Jeune espoir du jazz vocal français » au festival Les Couleurs du Jazz. La critique la plus attentive ne s’y trompe pas : la mezzo soprano et son quatuor à cordes font l’unanimité. Mélanie Dahan est indéniablement la valeur en hausse du jazz vocal français.
Sylvie-E. Saliceti
J’aimerais tant savoir
Giovanni Mirabassi trio
Auteur : Bernard Dimey
Compositeur : Jehan Cayrecastel
Interprète : Mélanie Dahan
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