Pour fêter une enfance ( extraits) dit par Laurent Terzieff
Pour fêter une enfance (extraits)
Alors on te baignait dans l’eau-de-feuilles-vertes ; et l’eau encore était du soleil vert ; et les servantes de ta mère, grandes filles luisantes, remuaient leurs jambes chaudes près de toi qui tremblais…
(Je parle d’une haute condition, alors, entre les robes, au règne de tournantes clartés.)
Palmes ! et la douceur
d’une vieillesse des racines… !
Et les servantes de ma mère, grandes filles luisantes… Et nos paupières fabuleuses… Ô
clartés ! ô faveurs !
Appelant toute chose, je récitai qu’elle était grande, appelant toute bête, qu’elle était belle et bonne.
Ô mes plus grandes
fleurs voraces, parmi la feuille rouge, à dévorer tous mes plus beaux
insectes verts ! Les bouquets au jardin sentaient le cimetière de famille. Et une très petite sœur était morte : j’avais eu, qui sent bon, son cercueil d’acajou entre les glaces des trois chambres. Et il ne fallait pas tuer l’oiseau-mouche d’un caillou…
On appelle. J’irai… Je parle dans l’estime.
– Sinon l’enfance, qu’y avait-il alors qu’il n’y a plus ?
Et aussitôt mes yeux tâchaient à peindre
un monde balancé entre les eaux brillantes, connaissaient le mât lisse des fûts, la hune sous les feuilles, et les guis et les vergues, les haubans de liane,
où trop longues, les fleurs
s’achevaient en des cris de perruches.
Saint-John Perse, Éloges, Pour fêter une enfance, Éloges suivi de La Gloire des Rois, Anabase, Exil, Poésie/Gallimard, 2009, extraits pp.28 à 39.