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[Le lanceur de dés] Mahmoud Darwich chanté par Walead Ben Selim

Georges de La Tour-Les joueurs de dés-1651

 

En os, ivoire, bois ou métal, jeu du hasard et jeu du nombre, le dé du destin se lance comme l’art d’écrire. Et si « sur cette terre, il y a ce qui mérite vie », appelons-en à la mémoire du maître, Darwich ici mis en musique par un trio dont l’harmonie fait advenir des arabesques envoûtantes, où le poète est chanté avec une vraie maturité pour ce que signifie le poème : une trace visuelle et sonore, aussi vive que l’éclair, aussi furtive que la magie des rencontres fraternelles.

Au bout du geste, demeure à peine une lueur saillante sur la nuit. La main retombant ainsi qu’une question. Un écho de la foudre dans le ciel des poètes : « Qui suis-je pour vous dire ce que je vous dis, moi qui ne fus pierre polie par l’eau pour devenir visage ni roseau troué par le vent pour devenir flûte. Je suis le lanceur de dés. Je gagne des fois, je perds d’autres fois. Je suis comme vous ou un peu moins … »

Sylvie-E. Saliceti

 

 

 

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Auteur : Mahmoud Darwich
Composition musicale : Walead Ben Selim, Agathe Di Piro, Nidhal Jaoua
Piano : Agathe Di Piro
Chant : Walead Ben Selim
Kanoun : Nidhal Jaoua

 

Je n’ai pour rôle dans le poème
que d’obtempérer à sa cadence :
mouvement des sens,
pâmoison dans l’écho des mots,
mon image partie
de mon moi à un autre,
ma confiance en moi
et ma nostalgie de la source.

Je n’ai de rôle dans le poème
que si l’inspiration tarit
et l’inspiration est l’atout du talentueux
s’il s’applique.

J’aurais pu ne pas tomber amoureux de la jeune fille
si elle ne m’avait demandé l’heure,
si je n’avais été en chemin pour le cinéma…
Elle aurait pu ne pas être la métisse qu’elle était
ni une idée foncée et ambiguë.

Ainsi naissent les mots. J’exerce mon cœur
à l’amour pour qu’il contienne
les roses et les épines …
Mystiques mes termes, charnelles mes envies
et je ne suis celui que je suis aujourd’hui
que si le couple se forme :
mon moi et son autre féminin.
Amour ! Qui es-tu ?
Tu es tellement toi et pas toi.
Amour. Lève-toi sur nous,
tempêtes tonnantes,
que nous devenions ce que tu souhaites,
l’incarnation du céleste dans la chair,
et dissous-toi dans un déversoir
qui déborde de tous côtés,
car, lisible ou déguisé,
tu n’as pas de forme
et nous t’aimons lorsque nous tombons amoureux
par hasard.
Tu es la chance des malheureux.

J’ai eu la malchance de souvent échapper à la mort
par amour
et je demeure, par chance, fragile
pour encore tenter l’expérience !

L’amoureux avisé dit en son for intérieur :
L’amour est notre mensonge sincère.
L’amoureuse l’entend et dit :
Ainsi est l’amour, il s’en vient et s’en va
comme éclair et foudre.

À la vie, je dis : Doucement, attends
que la lie de ma coupe soit sèche …

 

Mahmoud Darwich, Le Lanceur de dés et autres poèmes, traduits de l’arabe par Elias Sanbar  Photographies d’Ernest Pignon-Ernest, Éditions Actes Sud, 2010, pp.64/65/66.

 

 

 

 

 

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