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[Les cigognes de Mandelstam] Sylvie-E. Saliceti

      Maria Primachenko ( Ukraine 1909-1997) – Les Cigognes de la Viorne

 

 

Les cigognes de Mandelstam survolent les montagnes
jusqu’aux toits blancs
bleu dessus, nacre dessous
contre tout espoir les cigognes venant du ciel de Sibérie
apportent des nouvelles de la vie
les cigognes reviennent chargées de nos rêves et nos enfants
les dieux pèlerins cherchent les nids sur les toits
rouge et or
les hommes sont partis, désertant le printemps
tous parlent la langue de la neige
dans le cachot, Ossip dit les poèmes de Pétrarque aux autres prisonniers
cette nuit où les chandelles éclairent l’âme des hommes, creusée
de phrases et de grands oiseaux
les cigognes passent au travers des barreaux bleus, par les fenêtres blanches
dans l’ombre du vent,
vers les clochers, tombant
au travers de l’air saoûlé par le feu et les tendres prophéties,
vers les tombes ornées de fleurs et de petites étoffes brodées éclatantes de couleurs,
dans le bec tenant les dentelles de grappes mûres, de baies rouges,
et de mots bienheureux
les cigognes venues d’Orient apportent les nouvelles
des enfants et des amis.

Sylvie-E. Saliceti, Bois Luzy, 8 mai 2023 (à partir de la photographie ci-dessous, prise par M. Saliceti — Cigogne survolant les toits de Marrakech).

 

Maria Primachenko, dont Picasso louait «le miracle artistique », est une figure majeure de l’art pictural d’Ukraine. Nombre d’oeuvres furent détruites récemment par un bombarbement russe au-dessus du musée d’Ivankiv, près de Kiev, où elles étaient conservées.  «Maudite soit la guerre. Au lieu des fleurs y poussent les bombes » était le titre de sa dernière toile. J’ai associé à cet ensemble un poète russe exceptionnel, Ossip Mandelstam, sans doute le plus grand, qui a payé sa  longue dissidence du prix de sa vie, au camp de Voronej. J’ai associé à cet ensemble le chant traditionnel «Krunk» (la grue, oiseau assez proche de la cigogne, et migrant aux mêmes périodes que cette dernière, emblématiques l’une et l’autre de l’imaginaire slave). Krunk, chanson populaire arménienne célèbre, réécrite et harmonisée par Komitas, évocatrice du sentiment d’exil, de la nostalgie et la terre perdue. L’exilé aperçoit dans le ciel l’oiseau migrateur, auquel il demande des nouvelles de son pays et de sa famille. 

Prêtre, chantre, compositeur, ethnomusicologue, poète, il est encore Docteur en théologie et en musicologie. Komitas a collecté, inventorié scrupuleusement, puis restauré trois mille chants de la tradition populaire arménienne. Dans la nuit du 24 avril 1915, à la date précise qui marque le début du génocide arménien, il est arrêté et déporté.

Sylvie-E. Saliceti

 

 

      Cigogne survolant les toits de Marrakech – Photographie: Marie Saliceti

 

https://sylviesaliceti.com/wp-content/uploads/2021/03/komitas-krunk-vladimir-kroyan-trio-nazani-nous-les-chanterons-et-nous-s-1.mp3?_=1

Krunk ( La grue)
Traditionnel / Komitas
Duduk : Vladimir Kroyan
Interprètes : Trio Nazani

 

 

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