Aller au contenu

[Fresques Affreschi] Giuseppe Caccavale

 

Fresques Affreschi

 

Fresques Affreschi

Je remercie les arts mineurs, je remercie les gestes mineurs : ils m’ont aidé, dans une parcimonieuse soumission, à engager une vaste et libre correspondance avec leurs horizons concrets.

Je viens de lieux où l’on conserve encore, caché, un savoir oral, pont d’une bouche à une autre, si bien que j’associe la sédimentation visuelle, d’un oeil à un autre, avec la manière particulière qu’ont les mains de fouiller le fond muet, mais brillant, des fonds oculaires, surpris par les découvertes que je fais en chemin. Dans un silence qui n’est pas encore profond, je questionne des moules où se forge le chiffre des heures : mon existence est le chiffon qui veut la partie rugueuse de la découverte, le présage d’un grain de poussière. Je m’aperçois grâce à une démarche naturelle, que dans le travail l’avenir rejoint le présent, ensemble ils font oublier le passé, le conservant au coeur des gestes de l’homme.

J’aime les fresques. J’aime les images nourries d’éléments géologiques.

Les rejoindre a toujours été une manière de cheminer à travers la nature : les arbres poussent et moi aussi j’ai l’impression de pousser graduellement, j’ai appris par le truchement de l’aiguille, instrument qui oscille entre deux espaces : richesse et pauvreté. J’ai appris, en sachant que le regard est nourriture, que regarder, c’est se rendre muet.
L’image ne tend plus de pièges pour des envols vers un ailleurs : elle nous atteint comme un organisme d’une rigoureuse gravité. De sorte qu’elle est de nouveau un « ici », une clarté. Peut-être un carême salutaire pour les yeux, la marée haute d’un temps mineur.

« Mon petit livre dit ceci : que l’oeil est l’instrument de la réflexion, que la lumière est force, et l’ornement pensée. C’est une question d’amitié, de science, de passion intellectuelle, et non de choses » (Ossip Mandelstam, Lettres).

Après avoir achevé les deux registres de fresques dans le chantier des Archives municipales de Marseille, je me suis rendu à Padula, où des amis ont trouvé un lieu de repos. Padula est un sac de pierres renversé sur une colline, devenu maisons et rues. La beauté est aussi l’obstination de l’homme à féconder l’espace qui lui a été prêté au service de la noblesse d’une discipline.

Giuseppe Caccavale, Fresques Affreschi, Textes Giuseppe Caccavale, Erri de Luca, Jean-Jacques Jolinon, Éditions Parenthèses, 2002, p. 65.

 

 

Laisser un commentaire Annuler la réponse.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.