
Robert Delaunay – Palais des chemins de Fer-1937
MARCHEUR, IL N’EXISTE PAS DE CHEMIN
Tout passe et tout demeure,
mais notre sort est de passer,
passer en traçant des chemins,
des chemins comme sur la mer.
Jamais je n’ai cherché la gloire,
ni laissé dans la mémoire
des hommes, ma chanson ;
j’aime les mondes subtils,
immatériels et charmants,
comme des bulles de savon.
J’aime les voir se peindre
de soleil et de rouge puis voler
sous le ciel bleu, et encore trembler
d’un coup sec et se rompre…
Je n’ai jamais cherché la gloire.
Marcheur, ce sont tes traces
qui font le chemin et rien d’autre ;
marcheur, il n’existe pas de chemin,
le chemin se fait en marchant.
En marchant se fait le chemin
et quand on regarde derrière nos épaules
on voit un sentier
sur lequel plus jamais on ne marchera.
Marcheur, il n’existe pas de chemin
sinon un sillage sur la mer…
Ici il y a quelque temps
à l’heure où maintenant les arbres s’habillent
d’épines
on a entendu la voix d’un poète en train de crier
« Marcheur, il n’existe pas de chemin,
le chemin se fait en marchant… »
Coup après coup, vers après vers…
Le poète est mort loin de sa demeure,
recouvert par la poussière d’un pays voisin.
En s’éloignant on vit couler ses larmes.
« Marcheur, il n’y a pas de chemin,
le chemin se fait en marchant… »
Coup après-coup, vers après vers…
Quand le chardonneret ne peut chanter.
Quand le poète est un pèlerin,
quand il ne sert à rien de prier.
« Marcheur, il n’est pas de chemin,
le chemin se fait en marchant… »
Coup après-coup, vers après vers
Antonio Machado
Traduction française : Serge Pey
Cantares
Auteur : Antonio Machado
Compositeur, interprète : Joan Manuel Serrat
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CAMINANTE NO HAY CAMINO
Todo pasa y todo queda,
pero lo nuestro es pasar,
pasar haciendo caminos,
caminos sobre el mar.
Nunca persequí la gloria,
ni dejar en la memoria
de los hombres mi canción;
yo amo los mundos sutiles,
ingrávidos y gentiles,
como pompas de jabón.
Me gusta verlos pintarse
de sol y grana, volar
bajo el cielo azul, temblar
súbitamente y quebrarse…
Nunca perseguí la gloria.
Caminante, son tus huellas
el camino y nada más;
caminante, no hay camino,
se hace camino al andar.
Al andar se hace camino
y al volver la vista atrás
se ve la senda que nunca
se ha de volver a pisar.
Caminante no hay camino
sino estelas en la mar…
Hace algún tiempo en ese lugar
donde hoy los bosques se visten de espinos
se oyó la voz de un poeta gritar
«Caminante no hay camino,
se hace camino al andar…»
Golpe a golpe, verso a verso…
Murió el poeta lejos del hogar.
Le cubre el polvo de un país vecino.
Al alejarse le vieron llorar.
«Caminante no hay camino,
se hace camino al andar…»
Golpe a golpe, verso a verso…
Cuando el jilguero no puede cantar.
Cuando el poeta es un peregrino,
cuando de nada nos sirve rezar.
«Caminante no hay camino,
se hace camino al andar…»
Golpe a golpe, verso a verso.