Angélique Ionatos, morte le 7 juillet 2021, continue de faire entendre sa voix à travers son oeuvre contopoétique exemplaire. «L’immense artiste, l’incroyable chanteuse, guitariste, musicienne, compositrice, la femme libre, lumineuse, drôle et grave», née à Athènes en 1954, avait fui à l’âge de 15 ans la dictature des Colonels alors au pouvoir en Grèce, pour s’établir en Belgique, puis en France. Guitariste, compositrice, et interprète hors pair, elle était aussi poète et traductrice. Du point de vue discographique et scénique, sa carrière s’étend sur quarante années, et une vingtaine d’opus, depuis l’album Résurrection, paru en 1972, enregistré avec son frère Photis – disque désigné Grand Prix du disque par l’Académie Charles-Cros – jusqu’à la splendeur du dernier disque de 2015 au titre emblématique, déjà, de la trace laissée par l’œuvre : «Et reste la lumière ». Le livret accompagnant le disque définissait ainsi ce dernier opus : « les modes passent, trépassent même, mais Angélique Ionatos demeure fidèle à ses valeurs, à son univers et à sa classe innée… Chaque nouvelle escale, live ou studio, de la grande Athénienne recèle un équilibre magnifique entre ce sens rare de la mélodie, ses fines gouttelettes de guitare et évidemment une voix aussi impériale que pouvait l’être Barbara… Un texte de Pablo Neruda, de Sapho, d’Oscar Wilde ou même de Léo Ferré, Angélique Ionatos a toujours trempé cet envoûtant organe dans une matière verbale riche et lettrée. Avec Reste la lumière, elle signe un disque plus personnel que jamais. Elle témoigne ici en filigrane d’un discours politique porté par la vision d’une Grèce sous pression. Son engagement est celui de l’ouverture, de l’acceptation des angoisses pour mieux les combattre, notamment par la transmission de sa culture natale. Un disque sombre mais plein d’espoir transcendé par la force de ses convictions.» Dans ce regard posé avec acuité sur la Grèce, n’est-ce pas une intuition visionnaire de l’Europe qu’exprimait cette artiste hors du commun ?
Sylvie-E. Saliceti
Anatolie
Auteur : Kostis Palamas
Compositeur, interprète : Angélique Ionatos
Angélique Ionatos, Reste la lumière, Récompenses 4F Télérama.
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Anatolie
Chansons de Smyrne, d’Istanbul, chansons de l’Orient
lentes, traînantes et tristes.
Mon âme vous suit pas à pas !
Elle est inondée par votre musique et s’envole avec
vous.
Vous êtes nées d’une mère pleine de douleur
et de lourds parfums. Son baiser brûle, son âme est de
chair,
esclave dans un harem, adoratrice du Destin ;
la langoureuse Anatolie.
Kostis Palamas, Reste la lumière, Livret numérique Qobuz, 2015.