Un lieu d’eau sous la voûte
s’y enfoncent mât et voilier
s’arque la coque
s’éclabousse la carène
Écluse rouge pour celui harcelé par son sang
il ajuste le soc sur le sillon marin
puis cingle l’attelage vers l’impossible issue
Mort brève si fugace
halte à l’orage qui force la mer à boire son contenu d’eau
Tu t’emmêles dans ta voile
nages vers sa chair d’angle
gravites autour des chairs abaissées
Tu humes sa vase et son argile
aspires son herbe maculée
là où se divisent les berges
se meurent les genoux du fleuve
Tu la remplis de pierres feintes
colmates la caverneuse la creuse
la close sur son vide
navigable en temps de crue
Tu es chair de soutènement quand oscillent les murs
traverse verticale qui relie le creux au plein
corps du jour manipulé dans l’ombre
cheminement du lait dans le noir labyrinthe
Tu es à la fois barque et timonier
Tu oeuvres en chambre passagère
bagué de miel à la racine
le chemin vertical pleure sous ton pas d’arpenteur
Force l’anneau obscur
va loin dans la citerne
fais surgir l’eau dure
celle qui arque le cri
romps l’écume
Bois à genoux l’eau de l’indigène
Tu écartes berges et galets
repousses algues et digue
assistes muet à la levée des eaux
Mords son cri à la racine
viole l’espace circulaire
vole le sang circulaire
qui inonde le passage à chaque appel de lune
Laisse la femme pleurer son humidité jusqu’aux pieds du jour
Tu détisses son chanvre
sondes son puits
oublies tes lèvres sur son angle
refermes son corps dégrafé
puis la laisses s’éloigner dans son nu.
Vénus Khoury-Ghata, Anthologie personnelle, Poésie, [Un lieu d’eau sous la voûte], Actes Sud, 1997, pp 145/146