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[Combien ça coûte ?] Allain Leprest

 

Hans Memling – Portrait d’homme avec une pièce de monnaie romaine -1480

 

En fric, en frac, en troc, en peau de bébé  phoque… combien ça coûte, une chanson ? D’Allain Leprest, Nougaro disait qu’il était « l’un des plus foudroyants auteurs de chansons […] entendus au ciel de la langue française». À sa mort, le 15 août 2011 à Antraigues-sur-Volane, poètes, auteurs, compositeurs, interprètes les plus avertis connaissaient déjà son nom . Universitaires et éditeurs  bien souvent le découvrirent à ce moment-là, où il commença à être publié dans quelques revues de poésie de référence. Aujourd’hui il est chanté, repris, dans les salles confidentielles, sur les meilleures compilations, partageant l’affiche avec Brel, Brassens, Ferré. Il fait régulièrement l’objet d’études, de colloques, notamment à la Sorbonne. Soulignons le travail inlassable de Claude Lemesle, lequel n’a donné qu’un seul mot d’ordre à la Sacem – dont il fut le Vice-Président : ouvrir les archives sur Allain Leprest. Il recherchait la trace, le signe, puisque  « seules les traces font rêver ».

Sylvie-E. Saliceti

 

https://sylviesaliceti.com/wp-content/uploads/2015/08/francoise-kucheida-combien-ca-coute.mp3?_=1

Auteur : Allain Leprest
Compositeur : Philippe Biais
Interprète : Françoise Kucheida Emission Chanson Boum d’Hélène Hazera – 19 novembre 2003- France Culture

La chanson est aussi faite de familles. Celle d’Allain Leprest était classique, écorchée et contestataire, avec pour patriarche Jean Ferrat, qui fut l’ami et le mentor du chanteur, auteur et compositeur exigeant. Allain Leprest avait du Ferré dans l’attitude (antibourgeoise, anticléricale…), du Philippe Léotard dans la dégaine et la revendication du droit à l’ivresse, du Francis Lemarque dans sa banlieue.

Avec une fraîcheur d’écolier dans la tête, une fatigue de bourlingueur sur les épaules, il déclinait d’une voix brisée et ironique les maux du temps et un mal-être plus traditionnel. Allain Leprest s’est suicidé, lundi 15 août à Antraigues (Ardèche), terre de Ferrat, où il avait participé en juillet à un festival rendant hommage au grand disparu.

Né à Lestre, dans le Cotentin, le 3 juin 1954, fils de menuisier, il était âgé de 57 ans. Bien que souffrant d’un cancer des poumons – en rémission -, il devait sortir un nouvel album à la fin de l’année et se produire à La Cigale, à Paris.

Allain Leprest avait fait ses débuts dans les cabarets parisiens en 1982. C’est par un recueil de poèmes, Tralahurlette, préfacé par Henri Tachan, qu’il était entré dans la carrière en 1981. Dès 1983, il est chanté par d’autres, s’impose « à l’ancienne » : Juliette Gréco (Le Pull-over, écrit avec Jean Ferrat), Isabelle Aubret, Karim Kacel. Il signe chez Meys, la maison de disques de Jean Ferrat et de Gérard Mey, pour un premier album, Mec (contenant La Retraite), suivi de Ton cul est rond, en 1988, tous deux conçus avec Romain Didier.

Dents de scie

Avec Voce a mano, réalisé en 1992 chez Saravah avec Richard Galliano, Leprest se fond dans une autre famille de chanson française, celle de Pierre Barouh. Il obtient le Grand Prix de l’Académie Charles-Cros. En 1995, après avoir réalisé un disque pour Francesca Solleville, il triomphe à l’Olympia. En 1998, Kent compose la musique de Nu, la chanson naufragée et tendre qui donne son titre à l’album, Yves Duteil celle de Garde-moi la mer et Gilbert Lafaille celle de Quand j’ai vu, j’bois double.

Communiste engagé, Leprest se produit dans plusieurs Fêtes de L’Humanité, où il rencontre sa compagne, Sally, d’origine mauritanienne, avec qui il a deux enfants.

Leprest vivait sa vie en dents de scie. Il a continué à travailler pour d’autres : Gréco, Aubret, Enzo Enzo, puis Jehan, Daniel Lavoie, Christophe Bonzon, Romain Didier, avec lequel il fera un spectacle musical pour enfants donné à l’Olympia et « récité » par Jean-Louis Trintignant, Pantin Pantine. En 2004, il célèbre ses vingt-cinq ans de carrière à L’Européen, sortant dans la foulée un album live, Je viens vous voir, et un album studio, Donne-moi de mes nouvelles.

En 2005, il revient avec Chez Leprest, disque sur lequel il invite quantité de chanteurs (Michel Fugain, Olivia Ruiz, Jacques Higelin, Daniel Lavoie, Nilda Fernandez, Enzo Enzo, Loïc Lantoine) à revisiter avec lui son répertoire. En 2008, il sort son dixième opus, Quand auront fondu les banquises. En 2010, Allain Leprest avait reçu le Grand Prix de la poésie de la Sacem.

Véronique Mortaigne, article paru dans l’édition du Monde du 18.08.11.

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