
Vassily Kandinsky – Bleu de ciel-1940
Je gagne un ciel tranquille et sombre où pencher simplement le visage et veiller sans un mot sur le très lent torrent des mains de mon silence. Aube d’hiver immobile. Il y avait en moi cette distance noire entre l’âme et l’esprit. L’ombre jetée d’un grand érable sur l’amour. Et comme en rêve aussi le mort feuillage qui brille réuni parmi l’or des résines de pensée. La vue claire d’un remuant d’oiseaux d’oubli. Tout ce qu’il fallait décrire hier pour exister encore et tout ce qu’il fallait rejoindre pour aimer. Renoncement ce jour venu pourquoi ? Ô solitaire ! Il est un feu qui brûle en toi le vide amer. Et même ces chimères de mémoire au long du ciel il va falloir en disperser la cendre ! Mon grand besoin d’une solitude silencieuse et rêvée comme un autre élément plus limpide et plus fluide où se mouvraient d’autres pensées de longue haleine (une écriture inépuisable enfin) parée de tous les signes de l’immensité du monde et de son éternité.
Jean-Philippe Salabreuil, Poèmes et proses inédits, Présentation par Claude Michel Cluny, Orphée La Différence, 1990, pp.110/111.