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[Je sais que tu sais] La poésie innue de J. Bacon chantée par Chloé Sainte-Marie

 

Eruoma Awashish – Atikamekw

 

Voici deux voix  qui m’accompagnent depuis des années. Entendre ces femmes parler, chanter, tresser leurs voix, dialoguer fait simplement du bien. Joséphine Bacon, née en 1947, est une poète ( éditée aux belles éditions Mémoire d’encrier ), parolière et réalisatrice innue originaire du Canada, écrivant en langues française et innue-aimun. Elle signe et dit pour partie ce texte « Je sais que tu sais »,  chanté pour l’autre partie par Chloé Sainte-Marie. Chanteuse québécoise, Chloé Sainte-Marie fut la muse, la compagne et soignante de Gilles Carle durant une vingtaine d’années. Elle a fondé après la mort de ce dernier la Maison Gilles-Carle dont la vocation est « de venir en aide aux «aidants naturels » en leur offrant du répit ». Chloé Sainte-Marie vient de terminer un nouvel opus de chansons d’auteur, parfois même de poèmes chantés, disque titré Maudit silence, et qui fera l’objet d’une tournée internationale. Après la longue attente d’un signe venu de cette artiste rare, la nouvelle est une joie.  Elle génère une curiosité impatiente aussi, puisque l’on évoque déjà ce maudit silence comme l’aboutissement lumineux d’une traversée difficile de vie et de travail. Nous y reviendrons. Pour l’heure ces deux voix – qui se répondent si justement – ce duo donne des raisons de croire, si besoin était, en la puissance de la poésie quand elle œuvre à l’accomplissement concret de nos vies.

Je note pour finir cette phrase, venue de la splendeur secrète des femmes : « Je me suis faite belle pour qu’on remarque la moelle de mes os, survivante d’un récit qu’on ne raconte pas ».

Sylvie-E. Saliceti

 

https://sylviesaliceti.com/wp-content/uploads/2021/05/chloe-sainte-marie-et-josephine-bacon-je-sais-que-tu-sais.mp3?_=1

Je sais que tu sais
Auteur : Joséphine Bacon
Interprète (Chant) : Chloé Sainte-Marie
Diction : Joséphine Bacon

mes os ont mal
frémissant du manque de mots
une douleur se fige
sans pouvoir raconter
qu’un hier lui échappe
je rêve d’un seul récit
qui dicterait sans faute
toute une vie vécue

[…]

Qui suis-je ?
Tu ne me connais pas
Tu ne sais pas mes légendes
Tu ne connais pas mon histoire

Tu es ici en conquérant de ma terre
Tu m’emprisonnes dans ma terre
Tu me prives de mon identité
Tu me prives de mon territoire

Tu m’enchaînes dans des réserves
Que tu as créées
Tu veux être maître de mon esprit
Qui suis-je, tu ne me connais pas

Tu m’appelles Montagnais
Tu m’appelles cris
Tu m’appelles tête de boule
Tu m’appelles Algonquin
Tu m’appelles Naskapi
Tu m’appelles Abénaquis
Tu m’appelles Micmac
Tu m’appelles Huron
Tu m’appelles Iroquois

Tu ne me regardes pas
Tu ne me vois pas
Tu ne m’entends pas
Tu ne m’écoutes pas
Tu ne me parles pas
tu ne connais pas mes légendes
tu ne connais pas mon histoire
n’attends pas que je me fâche telle une tornade
n’attends pas que je me libère de mes chaînes

Joséphine Bacon in José Acquelin, Joséphine Bacon, Nous sommes tous des sauvages, Mémoire d’encrier, 2011, p.3.

 

 

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