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à présent, seule reste la poésie
pour nous aider.
Si ce n’est pas la poésie,
c’est le crayon, et si ce
n’est pas ça
c’est la page vide où
la main passe et repasse.
Moi, je trouve à la suivre
une consolation immense.
(…)
La femme ressurgie de l’eau
(ses mains dans l’ocre des cheveux)
veut entrer et j’ouvre devant
elle ma matérialité
qui dépend (maintenant)
totalement d’elle.
Il se peut que tout cela
ne se passe pas
comme ça
*
je veux que tout cela, ici
présent, ait un sens simple
et que la terre ne tremble pas.
On saupoudre déjà les champs.
*
le fruit
cherche l’arbre d’où
me tomber dans la main.
Qui (sinon la beauté)
saura
l’émouvoir
*
Il y a ici un jardin
Personne dans le jardin.
Il y a un oiseau et
il y a un ici
dans l’ici
et le Jourdain s’en va
d’un fait à l’autre
partant d’un pas vif
sans fin
appliquant son art
(…)
et surtout ;
ne tremble pas.
Parle.
Agrippe-toi à la parole, aux riens,
dis : je suis
ici.
J’emplis le lieu, je le double
sans condition ni prétexte
Israël Eliraz, Laisse-moi te parler comme à un cheval, José Corti, 2005, pp. 58 à 61.