
ne me plante pas dans ton cœur. J’y pousserais trop vite.
*
Que de lieux de l’espace habitèrent déjà
au fond de moi. Tel vent
m’est comme un fils.
Air, me reconnais-tu, plein de mes lieux anciens ?
Toi qui étais écorce lisse,
rondeur et feuille de mes mots.
*
Devance tout adieu, comme s’il se trouvait
derrière toi, pareil à l’hiver qui s’en va.
*
Sois mort toujours en Eurydice, — en chantant toujours monte
Rainer Maria Rilke, Le vent du retour, Traduit de l’allemand par Claude Vigée, Éditions Arfuyen, 2005, p.191/195/197.
*
**
«Respirer, ô poème invisible» sonne net et clair dans notre conscience dilatée à l’infini par le souffle lumineux qu’Orphée libère en chacun de nous. Rilke ne nous offre-t-il point là ce que l’Écriture sainte au livre de l’Exode (ch.35) dans un passage évoquant la construction du sanctuaire au désert, nommait l’intelligence du cœur ?
Là tu leur fis éclore un temple dans l’ouïe …
Claude Vigée, L’obscurité de Rilke, p. 212.