Sonate 1
Cette fois encore le temps t’a ramenée
dans mes rêves funèbres.
Ta peau, ton goût d’humidité saline,
tes yeux étonnés des jours d’autrefois,
sont revenus, et ta voix, et ta chevelure.
Le temps, petite fille, qui s’acharne
comme la louve enterre ses petits
ou l’algue recouvre la quille du navire,
comme la vague lèche le sel des amarres,
comme le vent monte des galeries de mines,
ou le train appelle dans la nuit des hauts plateaux déserts.
De son travail opaque nous faisons notre nourriture
comme de pain consacré ou viande faisandée
qui se dessèche dans la fièvre des ghettos.
À l’ombre du temps, ô mon amie,
une eau tranquille de ruisseau me ramène
ce que je garde de toi pour m’aider
à gagner la fin de chaque jour.
Álvaro Mutis, Et comme disait Maqroll el Gaviero, Préface d’Eduardo Garcia Aguilar, Traduction de François Maspero, Poésie/Gallimard, 2008, p.113.
Chopin
Sonate No. 2 pour piano, Premier mouvement, Op. 35/I, Doppio movimento
Piano Vladimir Horowitz
Robert Schumann, à propos de cette sonate, écrivait : … Un certain génie impitoyable nous souffle au visage, terrasse de son poing pesant quiconque voudrait se cabrer contre lui et fait que nous écoutons jusqu’au bout, comme fascinés et sans gronder… mais aussi sans louer : car ce n’est pas là de la musique. La sonate se termine comme elle a commencé, en énigme, semblable à un sphinx moqueur.